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Le Président et le Gouvernement ont visiblement perdu le Nord

Depuis le début de l’année 2020, la crise sanitaire qui frappe notre pays et le monde bouleverse les façons dont nous vivons, pensons et agissons. Sans revenir sur les nombreuses fautes commises par les différents gouvernements (dont les socialistes) depuis plus de dix ans en matière de prévention et de santé publique, personne ne peut nier l’extrême difficulté que représente la gestion d’une telle calamité.

 

Toutefois, le caractère durable de cette épidémie a rendu possible la consolidation des données scientifiques (dans l’attente d’un vaccin) et permis d’expérimenter des règles d’intervention réduisant l’imprévisibilité et la létalité de la covid. Les rapports et alertes du conseil scientifique au cours de l’été tout comme les exemples allemand, finlandais ou néo-zélandais (pour ne citer qu’eux) en attestent et jettent ainsi une lumière crue sur la situation de notre pays.

 

Après avoir tardé à confiner au mois de mars, le président de la République et ses gouvernements successifs n’ont eu de cesse de marteler, au cours des semaines qui ont suivi le déconfinement et jusqu’au début du mois d’octobre, qu’il n’y aurait pas de reconfinement, alors même que le conseil scientifique avait alerté dès le 27 juillet : « Il est hautement probable qu’une seconde vague épidémique soit observée à l’automne ou hiver prochain. Cette vague pourrait avoir un impact supérieur à celui observé lors de la première vague. L’anticipation des autorités sanitaires à mettre en place opérationnellement les plans de prévention, de prise en charge, de suivi et de précaution est un élément majeur ».

 

Dans ce contexte, l’incompréhension face aux annonces soudaines, injustes, non concertées avec les élus locaux et visiblement non préparées du président de la République et de son gouvernement ne saurait donc constituer une surprise. A fortiori lorsque ces annonces cherchent à concilier l’inconciliable, instaurent un deux poids deux mesures encore moins acceptable dans une telle période et provoquent une défiance qui se transforme chaque jour un peu plus en fracture démocratique.

 

Dans son allocution, le président de la République a ainsi clairement évoqué le mot de «confinement » mais pour l’assortir immédiatement d’une longue liste d’exemptions (écoles, entreprises, transports, grandes surfaces…), expliquer qu’il ne ressemblerait pas à celui du printemps et envisager une éventuelle sortie dès le 1er décembre. Sous-entendu : la vie peut continuer et l’effort sera bref. À tous égards, les revendications des commerces de proximité (avec l’exemple désormais emblématique des librairies), qualifiés à tort de « non-essentiels » par le gouvernement, apparaissent donc comme parfaitement fondées. En effet, comment justifier leur fermeture alors même qu’ils respectent parfaitement les règles sanitaires (ils ne sont à l’origine d’aucun cluster), qu’ils peuvent en contrôler plus facilement l’application par leurs clients et qu’ils évitent les attroupements dans des lieux clos à la différence des grandes surfaces ?

 

Se rendant compte avec trois jours de retard de l’inégalité de traitement avec les grandes surfaces provoquée par les premières mesures de l’exécutif, le Premier ministre, face à la mobilisation des professionnels et des élus (de toutes sensibilités), a annoncé la fermeture des rayons des grandes surfaces commercialisant des produits non-essentiels, jetant encore plus, à quelques semaines des fêtes de fin d’année, les consommateurs dans les tentacules des grandes plateformes numériques qui pratiquent l’évasion fiscale. La raison : la deuxième vague est trop forte et impose de limiter au maximum les déplacements et les regroupements. Alors pourquoi avoir fait le choix d’un demi-confinement ? Pourquoi laisser penser que la situation autorise de multiples accommodements ? Pourquoi laisser les enfants et les enseignants dans des classes surchargées ? Et pourquoi faire croire que tout pourrait rentrer dans l’ordre d’ici le début du mois de décembre ?

 

Si l’épidémie connaît un développement tel qu’il menace à court terme nos capacités hospitalières et met en danger la vie de dizaines de milliers de nos concitoyen-ne-s, alors il faut tout d’abord leur dire la vérité et ensuite adopter des mesures adaptées, justes et équitables qui seront comprises et acceptées par tou-te-s. Alors que le gouvernement vante son sens de la pédagogie, il ne devrait pas oublier le conseil que Jean Jaurès donnait en 1888 aux instituteurs dans sa désormais fameuse lettre : « il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble ».

 

L’absence de mesures significatives pour venir en aide aux plus modestes et le couac surréaliste concernant l’instauration d’un couvre-feu à Paris achèvent hélas de le démontrer : ce gouvernement n’est pas à la hauteur de ce que les Français-es sont en droit d’attendre pour les protéger efficacement. Ce déconfinement de l’incohérence publique porte un dangereux risque de fracture démocratique. Et alors que l’exécutif ne cesse de mépriser celles et ceux (et en particulier les élus locaux) qui l’appellent à reconsidérer ses décisions et qu’il cherche à discréditer leur parole en les infantilisant, il serait bien inspiré de relire encore une fois Jaurès : « Il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin. Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser. »

Simon Uzenat